''Down around the corner, half a mile from here... ''
...il y a un terrain de jeux, avec un immense terrain de soccer, à côté de l'école.
Je passe devant chaque jour.
École ou pas; il y a toujours plein d'enfants qui jouent.
Tantôt, avec Nikkie, on est allé faire des courses. En revenant, plutôt que de regarder du côté du terrain de soccer, j'sais pas pourquoi, j'ai regardé de l'autre côté de la rue.
Il y a une maison, avec une grande pelouse bordée par le trottoir.
Sur le trottoir, il y avait une chaise roulante, et dedans, un jeune garçon blond, avec la tête tombante d'un côté, et nos regards se sont croisés.
Et mon coeur s'est resserré et mon souffle s'est arrêté, parce que dans ce regard, il y avait une souffrance et une tristesse infinie.
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1958.
Fin juin.
Timothy se tient debout sur le pont des trains, au village de Wales, en Ontario. Il boit un Pepsi.Le vent vient du sud, et porte l'odeur du fleuve et des rapides de Dickinson.
Enfin; ce n'est plus vraiment un pont de trains...Et le village de Wales, celui-là même qu'on a nommé ainsi pour faire plaisir au Prince qui y est débarqué un jour, n'est plus un village.
Les rails ont été enlevés, les maisons du village transportées ou rasées, tous les arbres coupés.
Tout autour de Tim, debout sur son pont, il n'y a que poussière et quelques briques cassées. L'eau de Hoople Creek est brune et opaque.
Dans quelques jours, il y aura une grosse explosion à l'ouest, et le fleuve grondera et montera, et viendra jusqu'ici pour tout engloutir.
Il engloutira un village, une rivière, un pont de trains, des champs entiers, tout le terrain de jeu d'un enfant qui n'y comprend rien.
Il engloutira son passé et sa mémoire.
Tim regarde en bas. L'air semble tout-à-coup vibrer et onduler, comme au-dessus d'un feu de camp, et l'espace d'une fraction de seconde, il semble voir deux hommes nager, vêtus de noir.
Il prend une longue gorgée, et laisse tomber la bouteille à ses pieds.
Là où devraient se trouver les rails.
''See them long trains run, and you watch them disappear...''
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Deux personnes ont été essentielles à ce que j'aime écrire aujourd'hui.
Ma mère d'abord, qui me donnait de l'argent sans le dire à mon père qui désaprouvait, pour que j'aille à la librairie m'acheter le dernier Bob Morane.
Puis, mon prof de français à l'école; Françoise Ménard.
Elles m'ont ensemble donné ce que j'ai de plus précieux. Le goût de l'aventure et du merveilleux, et celui de les raconter.
Ma mère est partie il y a quelques années déjà, et Françoise il y a quelques jours.
Je leur suis éternellement reconnaissant.
Merci.
''Without love, where would you be now
Without love-ove-ove-ove''
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Carpe Diem: Saisis le moment!
Vis à fond, délire à fond, saoûle-toi de vie, maintenant!
Absolument rien d'autre n'est important que de tirer profit au maximum du temps qui t'est imparti.
Aimes, vis, cours et sautes si tu le peux, voyages, vends tout, achètes tout, bois, manges et pries!!!
Personne d'autre ne réalisera tes rêves, et tu as le devoir de le faire.
Je rêve d'écrire, de plonger partout sur la planète, je rêve de paix, d'enfants blonds sans tristesse,
Et nous rêvions, Nick et moi, de retrouver le pont des trains de Wales.
Nous l'avons trouvé.
Il est d'autant plus beau qu'on ne peut le voir entièrement sans un peu d'imagination. L'eau de la baie de Wales est trouble et sombre. Deux, trois mètres de visibilité, à tout casser. Impossible de le photographier dans son ensemble.
Dix mètres de haut, des arches de plus de huit mètres, il est entièrement recouvert de moules zébrées si nombreuses qu'elles pendent en grappes dans son ombre.
Des carpes gigantesques nagent dans ses eaux mystérieuses. Des pans entiers du dessus du pont se sont écroulés en bas sur le lit de l'ancienne rivière, sous le travail des glaces sans doute.
Et pres de la surface, entre les joncs qui le coiffent, patrouillent des achigans trophées.
De l'autre côté de ce qui est devenu l'île de Wales, nous plongeons dans moins de deux mètres d'eau, mais dans 53 ans de solitude silencieuse.
C'est le royaume des grandes carpes, qui logent tout le long de l'artère principale toujours bien visible.
Ici et là le sol est jonché de débris de ciment et de briques, et des souches d'ormes centenaires.
Il flotte jusqu'à mi-eau comme une brume blanchâtre, comme si la poussière des démolisseurs n'était jamais complètement retombée...
Quand même, ici et là, de nouvelles vies émergent des passés éffacés. À peine sortis de l'oeuf, de jeunes achigans n'osent quitter le nid et la sécurité du nombre, sous la surveillance de leur père.
Et à la surface, des familles recomposées nagent paisiblement. Leurs migrations achevées, les nouvelles bernaches reviendront perpétuer leur lignée ici, dans la baie de Wales. Elles auront ainsi plus de chance que Timothy, d'avoir un village natal où retourner...
Plus de chance aussi que mon petit voisin blond, qui s'il en avait la chance, volerait loin de sa douleur.
Carpe Diem: Saisis le jour.