mardi 27 septembre 2011

SUMMERTIME, And The Livin' Is Easy...


C'est loin, Rockport, quand tu te lèves à 5 du mat et que tu prends la route dans un brouillard londonien reflétant ton activité cérébrale.
Faut aimer plonger, pour se taper de longues heures grises vers le charter.
Mais l'épave du Keystorm est toujours cool. Elle vaut bien ça.


Andres Boat Works, Rockport.
Brouillard toujours. Les seuls bateaux qui quittent le port sont ceux qui ne vont qu'à quelque cent mètres du bord, sur l'épave du Kingshorn.
Nous restons debout sur le quai à scruter le gris, espérant le soleil qu'avait promis miss météo.
Ironique: parmi nous se tient Ron McDonald, celui qui a trouvé le Kingshorn, autrement connu comme ''Ron's Wreck''!


Aaaaaahhh.........La grosse boule jaune apparait enfin, et je suis aussi joyeux que le capitaine Haddock  dans le Temple Du Soleil!


Quelques minutes, Helen qui fait l'appel final, et nous prenons le large vers les douanes américaines, où il nous faut attendre que ces messieurs regardent les p'tites photos de passeport des occupants de quatres bateaux avant nous. Déjà qu'ils ne sont pas pressés...


Mais il fait beau. Tellement beau. Et chaud. On pourrait être en août.
Les bucks de Boldt Castle se chauffent le panache en observant un gros cargo polonais tricotter les milles iles vers les grands lacs.
Les goélands lâchent un cri de temps en temps, les petites perchaudes ne font rien à l'ombre du quai, un mallard se pose pres des joncs en glissant un peu sur l'eau presque parfaitement lisse.
Je ferme les yeux et savoure la caresse chaude sur mon visage.
Quel été magnifique...
Prenez tout votre temps, customs officers! Je fais un petit pas de danse avec le fantôme de Louise, la femme bien-aimée de Mr.Boldt, et nous jouons à la marelle sur le damier des ombres et lumières sous les grands arbres toujours bien verts, personnages d'un tableau de Renoir.
Je veux que le temps s'arrête là, maintenant, dans la chaleur de midi, pendant que mon bonheur se promène main dans la main avec la promesse de plonger tantôt...



Mais ça ne marche pas comme ça, bien sûr! Le temps ne s'arrête jamais. Quoique j'aie l'impression tres souvent que c'est comme quand le train sur l'autre rail se met à avancer et qu'on a l'impression que c'est nous qui bougeons...
M'enfin.
Le plan de plongée: on descend rapidos le long du bastingage babord du Keystorm couché sur tribord, vers le fond et ses hélices, pour quelques minutes, puis on va voir ce qu'il a dans l'ventre.

Et commence alors pour Nick comme pour moi le festival de la photo floue! Je pense qu'on avait tous les deux beaucoup plus la tête à jouer qu'à faire de la photo!
Et il fait noir tout en bas, surtout dans l'épave.
Alors pardonnez la qualité douteuse des clichés: c'est tout c'qu'y a!



La salle des machines me fait tripper pas qu'un peu. Une vaste pièce où il fait noir comme chez l'loup (de mer). Mais dans cette camera obscura , la marche hésitante du faisceau de ma lampe révèle timidement des moteurs et des pièces mécaniques étranges que la position du bateau a dressées debout.
Des créatures de métal oxydé commes des orants aveugles dans une église fermée, murmurant leur indignation d'être ainsi espionnés dans leur dévotion d'un siècle moins cent jours...
Il règne ici une atmosphère comme je n'en ai jamais ressentie.
Je sais immédiatement que je dois revenir plus longtemps. Comme si ces moines mécaniques me conviaient à une retraite initiatique, comme si eux, ici, pouvaient enfin me révéler le secret du temps qui passe, m'offrir la clé de l'immobilité, m'ouvrir la porte de la paix.
Je fais une promesse, et je ressors, à regret.


Plus haut, là où s'il en avait le bateau reposerais sa tête sur ses mains jointes dans son sommeil, se trouvent les quartiers des officiers.
Ici aussi, la verticalité forcée des choses rend le décor dérangeant, étrange. Presque drôle quand il s'agit de la baignoire du capitaine, encore solidement fixée au plancher devenu mur, et qui ne se videra jamais plus.
Je me promène dans ce monde à l'envers, qu'assez d'air dans deux cylindres me laissent explorer à loisir, sans me presser, quitte à méditer un peu à 10 pieds plus tard. Mais il faudra tout-de-même ressortir, comme toujours, et comme toujours ça me fend l'coeur.


Je suis Aqualung vers une sortie. Lui non plus ne veut pas partir.


Alors nous nageons vers le bout du mat pour nous retourner et saluer le Keystorm comme il se doit.
Nous reviendrons.
Le plus vite possible.


Un peu plus tard, c'est sur le America que nous faisons la deuxième plongée.
Malheureusement.
Perso; j'en ai rien à cirer de cette épave!... Elle m'ennuie royalement.
J'aimerais bien, un jour, que quelqu'un organise un ''double dip'' sur le Keystorm plutôt que de le jumeler à cette insignifiante barge dressée sur ses pattes au-dessus des sédiments imbibés de ses huiles sales et puantes.
Et même: une journée complète ''All You Can Dive'' sur le Storm!... Là on causerait...
Appel aux charters: vous auriez au moins deux clients assurés, drette-là!


Veux pas sortir, bon!...


Tiens; et si plutôt que de remonter au bateau, nous traversions vers Singer Castle, juste à côté, et en prenions possession comme des pirates? Me semble que çà ferait un joli diveshop, non?
On raconte qu'il y a quelques années, un hélicoptère s'y est posé un matin, et que Michael le Roi de la Pop en est descendu, histoire de visiter et de peut-être acheter.
Apparemment quelque chose ne lui a pas plu. Je suis sûr que ce n'était pas une question de prix.


Mais on ne peut pas jouer aux pirates...
Faut s'en retourner, paraît...


Après que tout soit re-paqueté dans la dive-mobile, et que les copains soient repartis, Aqualung et moi nous asseyons un peu sur le quai. On ne peut pas reprendre tout-de-suite la route. Pas alors qu'il reste quelques minutes à cette glorieuse journée d'été en septembre.

Dommage; on n'a pas assez de cylindres pour entreprendre le Kingshorn du bord! On reviendra.
Ses deux bouées dansent un slow sous les rayons oranges de la fin de journée.


Les locaux rejoignent leurs maison eux aussi, après une journée sur l'eau.





Et d'autres profitent de leur Grand Bleu à eux, heureux aussi de ce mois d'août à 55 jours!


Nous sommes encore en pensée dans les bras du fleuve, allumant des lampions aux hotels de ses épaves.
Arrêter le temps...
Carpe Diem...


jeudi 15 septembre 2011

BOUILLON D'POULET POUR CHICKEN JOE

J'ai l'rhume.
Peux pas plonger.
J'ai l'blues.



L'eau va refroidir vite maintenant. Oh, j'ai un drysuit, oui, mais c'est pas pareil...C'est comme un voilier à moteur.
Alors de manquer quelques-unes des précieuses journées d'eau chaude qu'il reste........

Mais bon! L'occasion d'écrire. De peindre un peu même, peut-être. De faire du ménage dans ma tête, qui en a bien besoin.
Voici quelques photos en rafale des dernières plongées à Morrisburgh, Rockport, Ivy Lea, et sur l'épave du Vickery aux USA.



Une ancre-grappin, trouvée lors d'une dérive à partir de l'épave du Eastcliffe Hall.



Une marigane noire, cousine du crapet de roche, à Ivy Lea. Quelle élégance! Vraiment, certains de nos poissons n'ont rien à envier à leurs parents tropicaux...


Le petit mais superbe fouille-roche zébré.


Une éponge. Un des plus vieux animaux de la terre.


Le gobie, envahisseur d'Europe, présent dans notre fleuve depuis 20 ans. Des milliards d'individus qui courrent en tous sens sur chaque mètre carré du St-Laurent.


Je n'ai toujours pas pu obtenir une photo à mon goût du malachigan cette année. J'adore ce poisson solitaire, occupé à ses affaires, qui erre dans les grandes profondeurs parfois comme un pâle spectre silencieux...


L'omniprésent mais sympathique achigan.



La rambarde du Vickery, gisant près du Oconto en eaux américaines.
Malheureusement cette journée-là; la visibilité n'était pas ce qu'elle est normalement à cet endroit. Mais c'est une bien belle épave, couchée à l'endroit sur une pente vers les grandes profondeurs sombres.


Nick dans le ventre de l'épave.


L'obscurité m'obligeant à des vitesses d'obturation tres lentes; la photo n'est pas terrible! Mais elle donne une idée pour ceux qui ne plongent pas de l'ambiance des épaves relativement profondes. La poupe du Vickery est à 120 pieds environ.



Déchirure de la poupe.


Un banc de crapets de roche, gardant la proue de l'épave.


Ils m'ont laissé me hisser très lentement sur l'étrave pour les rejoindre, et m'ont accepté parmi eux quelques minutes...


Une tortue géographique sur le tombant d'Ivy Lea.





Une superbe photo de Nick Fulleringer, mon buddy, lumière dans les herbiers d'Ivy.
Je la dédie à Sly, mon autre buddy, qui a besoin d'un peu de lumière ces temps-ci.



Celle-ci n'a aucun rapport avec les précédentes, si ce n'est qu'il s'agisse aussi d'un tombant, une falaise sous-marine. Mais cette falaise-là plonge dans les eaux ancestrales du lac La Haie dans le Parc d'Aiguebelle en Abitibi, là où les eaux se séparent.



J'ai un p'tit rhume, mais çà va passer. All things must pass, chantait Georges.
Même cet été magnifique, ensoleillé comme je n'en avais plus vu depuis des années, ensoleillé comme on en a tous besoin.
Wow.
Merci.


mardi 13 septembre 2011

LA CROIX GAMMÉE

Dans le Parc Sous-Marin de St-Zotique, au lac St-François, et à Kingston, près du site des Stacked Hulls, on peut voir en plongée des ancres énormes qui ont en commun une fascinante caractéristique.
Elles portent la croix gammée, la swastika; la croix nazie!

Pourtant; si les allemands et leurs u-boats ont bel et bien flirté avec le St-Laurent durant la deuxième guerre, je trouvais un peu étonnant qu'ils aient pu remonter si haut!...
Il y a de cela quelques semaines, nous trouvions une nouvelle ancre d'environ 2 tonnes, lors d'une plongée de dérive près de Morrisburgh, Ontario.
La corrosion et l'accumulation des moules zébrées rendent difficile son examen afin d'y trouver quelqu'inscription, mais elle est d'une forme similaire aux deux autres.





Je me suis mis à faire quelques recherches, histoire d'essayer d'en déterminer l'âge à peu près.

À ma grande surprise; il fut assez facile de trouver de quel type d'ancre il s'agit. Les ancres sont en effet classées selon leur forme/fonctionnement.
Celle-ci est une ancre de type Byers.
Monsieur W.L.Byers, de Sunderland, a breveté sa première ancre en 1887.
Il s'agissait d'une variation du type Hall, qui connut tout-de-suite un grand succès.
Monsieur Byers était par ailleurs d'une culture certaine, et s'intéressait entre autres aux découvertes de Heinrich Schliemann sur le site archéologique supposé de la ville de Troie.
Or, des poteries retrouvées sur ce site portent en décoration...la croix gammée!

La ''swastika''-dont le nom n'est pas allemand mais sanscrit et signifie en quelque sorte ''être bon''(!), est un symbole vieux d'au moins 3000 ans, représentant le soleil, la vie, la force et la chance.
L'allemagne nazie a adopté ce symbole et a fait sienne sa représentation aux branches vers la droite, mais ne l'a pas crée, loin de là!
Monsieur Byers décida donc, puisque le symbole n'était pas encore souillé de l'image nazie, d'en faire l'emblême de sa compagnie et de l'apposer sur ses ancres. Et même sur ses armoiries familiales!


Voila donc l'origine des ''ancres allemandes''! Trop cool!

Et pendant qu'on y est: devinez un peu ce qu'on trouve peint à l'intérieur du fuselage avant du Spirit Of Saint-Louis, l'avion de Charles Lindbergh avec lequel il a fait sa célèbre traversée de l'atlantique en mai 1927?

Bin voila!...
Un symbole de chance, un porte-bonheur, vieux de trois milles ans!

samedi 3 septembre 2011

PAR ICI...



Nous sommes là où le ruisseau Flagg se jette dans le fleuve, un peu en amont de Mariatown, Ontario, elle-même en haut de Morrisburg.
L'écluse 24, dont le mur sud fut dynamité pour ne pas nuire à la circulation maritime après son inondation de 1958, se trouve ici. Le ''lock'' est à 4.5 kms du Lock 23.

Nous y avions plongé pour la première fois l'année passée. Nous voulons cette fois rejoindre le large et dériver, histoire de voir ce qu'il y a à voir, là où peu de plongeurs se mouillent.

Et j'ai envie d'essayer quelque chose qui me trotte au ciboulot depuis un brin. J'apporterai mon carnet de notes, et à partir des annotations faites en temps réel, j'essaierai de décrire la plongée ''minute by minute'', comme si vous y étiez.

Alors on y va! Mais je vous épargnerai la préparation et la longue marche vers le point d'entrée à l'eau!
Voici le trajet, en jaune:



___ Par ici! _________________


Quel plaisir, quel soulagement que de se laisser glisser sous la surface en apesanteur, le poids de l'équipement disparu!
Il est 13:20hres à ma montre. 3000 lbs de pression dans mon 80 pieds cubes alu, que je porte en simple sidemount.
Il n'y a que 6 pieds d'eau ici, sur l'ancienne Ontario Provincial Highway 2, devenue après la Grande Inondation de 1958 une autoroute sous-marine.
Nous la longerons vers l'est jusqu'à l'ancien lit du ruisseau Flagg et le magnifique tunnel qu'il empruntait sous la route.



Les petits gobies s'amusent à traverser impunément les lignes blanches encore bien visibles!
Nous dérivons Nick et moi tout doucement au-dessus du pavé. Une grosse chaîne traîne sur le côté de la route, devenue raide et inflexible par la rouille.
Quelques mètres encore et entre deux bosquets d'herbages marins nous arrivons au pont-tunnel, gardé par un magnifique malachigan! Je m'apercois que de gérer mon notepad et la caméra présente quelques problèmes de vitesse d'éxécution, et je rate la photo!
Mais Nick en photographiera un autre un peu plus tard, que voici.



Je l'trouve bien beau, cet étrange poisson! Il y a quelques années, je me rappele qu'on en voyait deux énormes, rôdant autour de l'épave du Wolf Islander à Kingston.

Je tourne à droite et coule de l'autre côté du bord sud de la structure où est inscrite l'année de construction (1927), vers le fond...
J'adore la façon dont le son des bulles s'assourdit et change d'octave avec la profondeur. L'eau est encore à 72 degrés, j'aurais dû rester en wet 3 millimètres plutôt que ce 7 qui me fait moins la sentir glisser sur moi.
Le plancher dans le tunnel est à 17 pieds. Ce dernier a 50 pieds de longueur; je le mesure en y nageant doucement, touchant le mur du bout de l'index à chaque 12 pouces. Dix pieds de hauteur à l'intérieur, et autant de large. Dans chaque sens, la sortie est un carré vert lumineux flottant dans l'ombre. C'est vraiment beau...
Quelques crapets de roche s'y cachent, comme à leur habitude. Et de gros pères achigans gardent les entrées, et leur garde-manger sans doute.



''...touchant le mur du bout de l'index''

Quinze minutes ont passées déjà, depuis l'immersion. Nous quittons à regret le petit pont et nous dirigeons franc sud en suivant le lit du ruisseau englouti. Il faut 7 minutes de lente progression contre un léger courant créé par l'entonnoir de la coulée, suivis tout le long par un achigan noir tres territorial et pas content, pour atteindre la pente qui descend vers l'''ancienne rivière''; le lit original du fleuve avant 1958.
38 pieds ici, en pente douce vers 45 pieds un peu plus loin.
Le courant est très fort.
Nous dérivons quelques pieds au-dessus d'une plaine jonchée de rochers, tapissée de coquillages vides et blanchis.
De temps en temps, j'aggripe une roche au passage et le courant me fait faire un 180 comme un coup de fouet. Je scrute les environs, ou du moins les trente pieds qui en sont visibles dans chaque direction.
33 minutes dans la plongée. Je suis arrêté, me tenant à un rocher. Nick arrive à ma droite et en saisit un aussi. J'ai vu un mouvement sur le sol. Entre deux petits cailloux ondule tres lentement-ce qui est surprenant dans un tel courant-, ce que je prend tout d'abord pour un bébé anguille.
Je le saisis doucement, mon carnet de note coincé entre mes cuisses, la caméra attachée au poignet.
C'est une lamproie. Mais elle ne mesure que six pouces environ, et sa bouche est toute petite. Elle agonise, visiblement. Ses yeux sont presque éteints, son corps bouge à peine.
Je fais comprendre à Nick que j'aimerais qu'il la tienne, le temps que j'essaie de la photographier malgré ce courant à décoiffer un buffle.


Je lirai plus tard sur le web qu'il s'agit en fait d'une Lamproie Du Nord. Ce n'est pas, comme ses cousines, un parasite tuant un poisson sur sept. Elle se nourrit d'animalcules enfouis dans la vase, et l'adulte, après 6 ans de croissance lente, mourra apres la reproduction. C'est ce qui lui arrive à elle...

37 minutes.
Nous sommes revenus au pied de la pente menant au nord à l'écluse 24, qui s'étend d'ouest en est.
Il y a des rochers et des poutres éclatées partout, vestiges de la destruction du mur sud de l'écluse.
27 pieds de profondeur. On dérive toujours.
Je remonte vers le mur nord du lock.
Et j'y suis acceuilli par la gang de rue locale! 23 achigans tres respectables m'entourent, inquisiteurs!

C'est comme les chubbs dans les caraïbes, au palier de sécurité, qui vous entourent à ne plus voir votre buddy, picorant les cheveux en pensant qu'il s'agit d'algues savoureuses!


Et puis c'est l'entrée en scène des dorés! Des douzaines de beaux dorés!
L'endroit est aussi poissoneux qu'il l'était l'année passée. Je m'immobilise entre deux monolithes gisant sur le tapis de coquillages et passe un moment à savourer leur présence. D'ordinaire assez craintifs, les gros dorés viennent me voir et me frôlent, me regardant du coin de l'oeil comme des gentilhommes polis mais curieux.



50 minutes à la plongée. 1500 lbs au manomètre.
Le temps de continuer la dérive vers le point de sortie encore loin. Tous les terrains bordant le fleuve, là-haut, sont privés. Nous devons sortir au Parc Des Loyalistes, une petite aire communautaire.

Nous dérivons au pied du mur de l'écluse, constitué de gros moëllons. Usant de nos poumons comme de ballasts, nous jouons à saute-mouton avec les débris de son ancienne gloire, quand elle acceuillait les navires du début du 20eme siècle qui évitaient ainsi les rapides dangeureux.



66 minutes. Nick tombe sur une ancre coincée, abandonnée. Une petite ancre neuve, qui n'aura sans doute eu comme épitaphe avant son abandon au cimetière marin que les élucubrations colériques de son pêcheur propriétaire, la pauvre!



Au bout de quelques minutes, alors que nous transportons le butin, Nick l'ancre et moi la corde, sous l'escorte des achigans et dorés, le mur de pierre fait place à un mur de bois au travail exquis de madriers tricotés avec art, devenus ici le refuge de milliers de gobies troglodytes.



Le temps passe et ne passe pas. Tout est si différent sous l'eau. Comme si même le temps était mouillé, ondulant plus doucement, fluide paresseux, que lorsqu'il claque au vent du monde d'en haut...

Je dérive presque hypnotisé par la géométrie des planches entrelacées, zeppelin géant aux yeux des petits poissons gris qui les habitent. Le haut du mur est à treize pieds, je vole deux mètres plus bas.
À 70 minutes sonnées; le mur s'arrête.
Nous sortons du Lock 24.
Nous suivons maintenant une pente en éboulis de rochers couverts de moules zébrées, royaume des écrevisses patrouillé des éternels achigans qui s'en régalent. Un peu plus bas, là où la lumière baisse un peu, c'est toujours le cortège des dorés.
De temps en temps, nous croisons aussi quelques chevaliers blancs, une grosse carpe, des perchaudes...
Au haut de la pente, comme une chevelure blonde au vent, les longues valisnéries ondulent dans une eau bleuâtre.
C'est magnifique, comme toujours...



Petite montée à la surface à 82 minutes pour vérifier où nous en sommes.
On est presque arrivés au Parc.
Nous redescendons vers le lit de l'ancienne rivière pour un dernier coup d'oeil.
35 pieds ici. Toujours cette prairie semée de rochers, ces autoroutes de coquillages blanchis lumineux...

Voila. 95 minutes à la plongée, les 500 lbs d'air au cylindre au cas-où.
Je referme mon carnet de notes, et monte tres lentement sur le dos, le visage baigné des rayons du soleil qui cherchent sous la surface à peindre leurs zébrures dorées.
Comme d'habitude, je n'ai aucune envie de retrouver le monde, le bruit, la lourdeur, la hâte, la course à la superficialité.

Mais j'ai d'autres cylindres...