2011, fin d'été.
À chaque fois que nous allons plonger à la carrière Morrison à Wakefield, histoire de revoir un peu d'eau bleue sans le coût du billet d'avion, nous revoyons le requin.
Mais cette fois-ci, pour je ne sais trop quelle raison, son piteux état nous frappe davantage.
Il n'a plus sa queue, un de ses ailerons est brisé parce que trop de morons se sont fait photographier en train de le chevaucher en glorieux conquérants, et il est absolument couvert de graffitis.
Je me dis tristement qu'il est vraiment maintenant l'effigie parfaite de l'état des requins en général sur la planète.
Et qu'il faut faire quelque chose.
Le requin de Morrison doit renaître, et comme le Phoenix revivre plus fort et plus beau que jamais! Il doit devenir un symbole de sa race.
Cousteau disait qu'on protège ce que l'on aime.
Il faut que les plongeurs d'ici aiment le requin,
leur requin. Et il ne doit plus n'être qu'une coquille, un demi-lui: il doit être entier, et nager vraiment en pleine eau, pas traîner au fond comme une carcasse sans ailerons. Il ne doit pas mourir comme tous ses frères dans les océans du monde, victimes de la soif d'argent des hommes.
C'est décidé: nous sortirons le grand poisson de l'eau, et il viendra se faire soigner dans mon atelier cet hiver!
Nous retournons à la carrière en novembre, et obtenons la bénédiction de Mme.Morrison pour notre projet. Sa confiance me touche...Il faudra faire un bon travail pour l'honorer.
Le grand requin voit le monde sans eau pour la première fois depuis plus de 15 ans. Il a l'air un peu craintif, mais il est toujours vivant!
...Malgré les affronts qui couvrent son corps meurtri.
Je prends le temps de faire des photos de chaque graffiti. Plusieurs des noms gravés, dans certains cas profondément dans la fibre de verre, sont bien connus du petit monde de la plongée...
J'espère que sa beauté refaite et sa nouvelle localisation en pleine eau plutôt qu'au fond inciteront les plongeurs à plus de respect...
Je décide aussi que le requin sera ...une requine!
Ses prochaines trois dimensions lui permettront d'avoir une identité sexuelle, et sa taille imposante correspond à une femelle.
Aurons-nous plus de délicatesse pour elle que nous en avions pour lui?!
Je le souhaite.
Pour le moment, Le requin va se reposer un peu, avant sa grande opération plus tard cet hiver...
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Mars 2012.
L'hiver est exceptionnellement doux.
Je ne peux plus plonger: une hernie inguinale réparée exige deux mois de cale sèche.
C'est le temps de travailler sur notre patient!
Pendant que commencent les travaux, je fais un appel à tous sur Facebook où j'ai créé une page sur le projet, pour trouver la provenance du requin. Mme.Morrison nous a dit qu'il avait servi à une pub télé à l'origine.
Marie-Eve La Ferrière trouve sur le web!
Notre requin est une vedette, acteur de soutien pour Claude Meunier!
(Cliquez ici)
-Voir à 2:33 minutes du reportage de Planète Pub-
Il a donc voyagé du Québec vers Isla Mujeres au Mexique, où la pub a été tournée, puis est revenu pour prendre sa retraite du showbiz au fond de la carrière Morrison!
La restauration de notre grande femelle de requin bouledogue, que nous nommerons Morry, s'échelonnera sur deux mois, nécéssitera de multiples opérations, et coûtera en matériaux seulement près de 900 dollars, qui serons payés grâce aux généreuses contributions du Centre de Plongée Nepteau et de plusieurs amis plongeurs et non-plongeurs.
Je veux les nommer encore ici, en hommage à leur générosité et leur implication dans la cause de la
conservation des requins:
Shirley Blanchard
Sylvain Bolduc
France Chassé
Nathalie Courteau
Renée Courteau
Guy Dumas
Lynn Garceau
Michel Giroux
Nick Fulleringer
Jacques Lech
Pascal Lecocq
Conrad Morin
Lucie Normandeau
Pierre Raby
Vicky Robinson
Shantal Rodrigue
Simon Tétreault
Nicole Théoret
Ernest Yale
Merci aussi à Mme. Morrison bien sûr, et à Jeffrey Gallant du
GEERG
Merci infiniment aussi à Yvon Lebel pour son aide à l'installation, et à Daniel Laurin pour les photos magnifiques et des souvenirs précieux!
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Voici maintenant en rafale des photos des différentes étapes de la restauration.
Arceaux de métal: sa cage thoracique! On voit aussi la structure de bois qui s'ajustait sur le cylindre du plongeur qui ''conduisait'' le requin dans la pub!
Découpe de la queue
Pose de l'ancrage
doublage des ailerons
Séparateurs des éléments de flottaison
armature de frène du ventre
ailerons
apres le papier mâché isolant, l'uréthane
...et styromousse
Sculpture à l'exacto
La gueule
Sculpture
Le requin sera une requine!
Première couche de fibre de verre
Fibre
Encore de la fibre!
Toujours de la fibre!!!
Opération Fiberglass finie, enfin! Pierre Raby et moi sommes bons pour deux semaines de désintox!
Sablage...une grosse journée à deux avec Nick!
Peinture: Couche de fond
Et enfin, Morry est guérie!. Elle est contente, je pense! Elle a l'oeil brillant!
La plaque qui l'accompagnera sous l'eau
Le Grand Départ! Ce jour-là, tous les animaux s'étaient donnés le mot pour accompagner Morry: les outardes par milliers montaient au nord, et deux chevreuils se sont arrêtés au bord de la route pour saluer la Reine des eaux!
Honey, I'm Home!!!!!
Road trip for a shark
Arrivée à Morrison. Morry est impatiente...Nick et Sylvain préparent l'ancrage au requin. Celui du fond de l'eau, à 85 pieds, s'est fait dans une première plongée.
Photo: Daniel Laurin
Morry flotte! Il va falloir la descendre à sa profondeur projettée de 30 pieds sous la surface en la lestant de beaucoup de poids!
photo: Daniel Laurin
Calculs!...
photo: Daniel Laurin
Morry s'immerge enfin...
Descente
Installation de la plaque. Manipuler de petits écrous dans une eau à 43 degrés avec des gros gants de néoprène, c'est quelque chose!
VOILA! Morry est de retour chez elle, plus belle et en santé que jamais!
photo: Daniel Laurin
Trois plongeurs heureux
Portrait de Morry, la nuit tombée.
Le retour et l'installation de Morry s'est fait le 12 mai 2012. Décision de dernière minute: cette journée-là Sly et Nick pouvaient se libérer. Mes excuses à ceux qui auraient voulu y être, je n'ai pas pu donner de meilleur pré-avis...
Ça été une dure journée de travail, mais ô combien satisfaisante!
Debouts à 5:30 du mat, voyage de 2.30 hres, quatre plongées.
Morry est donc de retour.
Mais sa santé, comme celle des requins de la planète et par conséquent celle de l'océan mondial, dépend de nous.
Je souhaiterais que le requin de Morrison soit un exemple de ce que nous pouvons faire de bien, plutôt que la triste démonstration de notre insouciance qu'il était devenu...
Allons-nous, en tant qu'ambassadeurs de l'eau, nous les plongeurs, décider de le proteger et d'en prendre soin, de le défendre?
Morry n'est pas qu'un jouet de fibre de verre.
Elle est un symbole.
Elle pourra être désormais le miroir de notre conscience écologique du monde marin.
Le miroir de notre volonté de laisser aux autres et aux plus jeunes plongeurs un environnement meilleur.
Quelle image de nous-mêmes nous renverra-t-elle?!
Longue vie, Morry...
photo:Daniel Laurin
