mercredi 20 octobre 2010

HALLOWEEN AU LOCK


El sais!!! On est rien qu'le 20 octobre, c'est pas encore l'Halloween. Ouin pis. Le Lock 22 sera fermé pour l'hiver ce dimanche.
Hier j'avais le lieu, le temps, pis le cucurbitacé, faque le shoot ''Halloween'', c'était hier!
Et qu'est-ce qu'on s'est bidonné!!!!!
(Sly; on a pensé à toi, comme chaque fois. On sera là quand tu pourras!)











Edgar  sur la tablette de l'entrée de la chambre secrète du Lock 22. Assez content de celle-là! Je voulais une ambiance vraiment Halloween; ce savoureux mélange de peur, de doute, d'ironie, d'humour et de macabre...
Je pense que derrière Edgar, dans l'ombre de la chambre de pierre engloutie, des habitants du village noyé se pressent de chaque côté de l'ouverture et la peau en lambeaux flottants de leurs visages frémit avec leur excitation devant la perspective de visiteurs.
Si long entre chaque automne, si noir et silencieux quand les glaces craquent en haut...
Un soir seulement pour eux; un soir où le voile s'amenuise jusqu'à devenir aussi fragile qu'une toile d'araignée, entre le monde du dessus et celui d'ici, vert et noir et gris, et oublié...







Venez...



Suivez la lumière...



Tentative de me déguiser en flammand rose sous-marin.
Me semble que les achigans doivent être cheap pour les bonbons.......







Je vous laisse sur la Traditionelle Corona Post-Dive, additionnée d'un peu de cyanure et de curare.
Dans 10 jours; venez plonger au Lock 22, de nuit.
Mais avant de partir, embrassez vos bien-aimés et serrez-les forts contre vous. Vous ne le pourrez peut-être plus, quand Edgar et ses amis vous auront invités à leur Grand Bal.
Vous verrez; vous en mourrez de plaisir...

dimanche 17 octobre 2010

Hors du temps...

Un ancien ruisseau, devenu rivière sous-marine, teinte l'eau de jaune et descend sur ma droite vers les profondeurs sombres et vertes.
Nous trouvons l'escalier quelques mètres plus loin, au haut du flanc nord du fossé qu'il avait creusé jadis au haut de la colline maintenant submergée. Sur les anciennes photographies, il est bien visible, à l'ombre des grands ormes, menant en bas à la cabane de l'éclusier. J'étais donc certain qu'il serait de pierre, comme le premier plus à l'ouest. Mais il est de bois, du moins ce qu'il en reste...



Nous l'empruntons, flottant un peu au-dessus, et les achigans nous abandonnent alors que nous descendons vers l'écluse et que s'installent silence et lourdeur dans le crépuscule éternel du vieux canal. La lumière ne pénètre plus ici comme elle le fait en haut, dansant sans cesse de ses rayons comme si elle avait perdu quelque chose. Dans le lock, le jour est une vague lueur glauque loin au-dessus, qu'on oublie bientôt quand le chant bas et litanique des passés oubliés essaie de vous séduire pour que vous restiez...

Il y a une épave quelque part près d'ici, dit-on en haut. Nous descendons encore, lentement, vers le lit du canal, aux pieds des hauts murs de moellons démesurés déposés sur des cageux ancestraux.



Et nous nous laissons dériver en apesanteur dans l'obscurité.
Je vole sans mouvements au-dessus de l'accumulation séculaire de sédiments gris comme la mémoire malade, et je vois derrière moi quelques fois, quand je m'en approche trop, lever sous mes palmes de petits vortex noirs, comme des gobelins cherchant à m'aspirer.

Dans le mur, sur ma gauche, apparait soudainement un lambeau de nuit.
Une grande ouverture s'y découpe et brille au fond un oeil vert qui ne cille pas.





À quoi servait cette chambre et sa petite fenêtre unique, toute au fond?...Elle est emplie de joncs et de plantes aquatiques déracinées que le courant emporte constamment. Elle est aussi emplie de danger, et la poutre que je touche bouge facilement; tout cherche à s'écrouler.
Je recule, et suis repris par les eaux du canal qui continuent leur procession au pays des ombres.

D'autres ouvertures défilent lentement et le rythme hallucinant des clins d'oeil noirs me rappele un cauchemar qui me hantait souvent petit. Ou une succession d'alcôves sombres dans le corridor rétrécissant d'un temple égyptien psalmodiait l'incantation mortelle de ma mise à mort par un prêtre tyranique...

Toutes sont emplies de forêts denses de plantes noires, et toutes menacent de s'effondrer à tout moment.
Certaines ont commencé...


Et sont devenues le mausolée de monolithes écroulés, tombeaux de géants endormis couverts de la poussière du temps liquide, agonisants sous le regard blafard d'horloges sans aiguilles, de jours et de nuits que l'indifférence des profondeurs dissocie.
Et je dérive toujours, et l'image de mon partenaire flottant un peu plus haut devient intermittente et imprécise alors que cette poussière m'enlise aussi. Et je me surprend à imaginer que je n'aurai aucun souvenir de tout ceci, que si je quitte ce monde, il effacera de ma mémoire ce que j'y aurai vu...


Et soudain apparaissent les gardiens. D'abord comme une ombre dans l'ombre, comme émergent d'une symphonie les voix des barytons, ils apparaissent alors que le courant ralentit et s'immobilise presque.
Je suis entouré de dizaines de piliers géants, colones de bois massives hérissées en tous sens, forêt de troncs sans branches dans lesquels des noeuds protubérants dessinent des visages hurlants le silence d'éternelles solitudes froides.
Qui sont-ils? Pourquoi sont-ils là? Qu'est-ce qu'ils font?
Redressé entre deux eaux, je pivote sur moi-même comme assomé du chant de ces orants engloutis, et je descend sans m'en rendre compte sous le poids de leur regards, halluciné, ébahi.






Quand je reprend mon souffle, et un peu de mes esprits, je ne peux plus bouger. Et quelque chose lentement me tire vers le bas, dans le noir. Et je vois au bout de mon regard, devant moi, couché sur le lit des débris de plantes entremêlées dans lequel je m'enfonce, un grand maskinongé immobile.
Les yeux de mon âme, eux, voient tourner le coin d'un ruelle en ruines l'étalon fou, noir et hénissant de l'épouvante, bave et crinière au vent.

Chaque coup de palme semble m'emmêler un peu plus, et le goût de mon air devient acide.
Le maskinongé décolle comme une fusée d'une seule pulsion de tout son corps.
Et je décide de le suivre. À coups de corps entier, ondulant en même temps que je gonfle ma veste, les grandes herbes décrochent et me libèrent comme à regret.

Le cheval se calme et se tait...

Mais le temps d'en haut a fait son oeuvre. Deux heures ont passé, la fatigue s'installe, avec elle le froid.
Il faut remonter. Quitter pour un moment la mystérieuse magie noire du vieux lock.
Loch...Deadlock...

Et durant la longue remontée vers là ou la lumière sait danser, il me semble l'entendre murmurer:
''Et l'épave...Sais-tu où elle était l'épave?...À quoi crois-tu que s'accrochaient toutes ces plantes dont tu t'es échappé?...''

mercredi 13 octobre 2010

LOCK 22

J'adore le Lock 22.
De toutes les écluses englouties des Lost Villages en Ontario -la 20 que je n'ai pas encore plongée mise à part-c'est ma préférée.
Avec son mur nord-ouest d'un mille de long, le lock 22 est immense. C'est une écluse double, complexe, assez profonde avec son plancher à près de soixante pieds, des portes intactes fascinantes et des caractéristiques uniques et parfaitement conservées, quelques 150 ans après sa construction.
Les courants y sont en surface très violents par endroits, mais raisonables plus bas.
Tout-de-même; ajoutés à la longueur de la structure principale et la profondeur; ils commandent le respect et l'écluse 22 ne devrait pas être abordée à la légère.
La boussole y est indispensable(elle l'est de toute façon partout, il me semble!), les courants étants déviés souvent par les structures et par le fait même peu fiables comme orienteurs.
À moins de s'en tenir aux parties en amont des structures principales; les doubles cylindres ou les stages deviennent vite souhaitables, voire nécéssaires pour l'exploration complète du canal ouest d'un mille de long.

Vous trouverez, si la plongée sur l'écluse vous intéresse, plein d'infos sur SCUBAPEDIA.

Voici quelques photos en rafale. Encore moins que d'habitude, je n'ai ''corrigé'' la teinte verte. Premièrement parce que c'est ainsi qu'on voit les choses là comme presque partout au Québec(ou en Ontario!), et deuzio parce que le côté dramatique de l'endroit est conservé. Certaines sont fortement jaunies; c'est que deux rivières sous-marines aboutissent dans la baie de Farran's Point et que les eaux qu'elles amènent des campagnes environnantes sont de cette étrange couleur...



Une des grandes portes



Une section des planchers en aval



Cette pi`ce de bois moulurée servait de ''pas'' aux portes lors de leur fermeture



Le grand escalier menant au canal




Lors de l'inondation de 1958, tous les arbres durent etre coupés


En suivant le long mur ouest, la visibilité raccourcit beaucoup et les eaux se teintent de jaune alors que la profondeur augmente





De très vieilles constructions en cageux, du côté ouest du grand canal


Dans ces eaux sombres et embrouillées; une bonne carte n'est pas superflue!!!



Vus de l'intérieur de la caverne formée par l'accumulation de sédiments sous un pont de l'ancienne route 2, les joncs forment une longue frange qui en cache l'ouverture aux yeux de tous, sauf les carpes locales énormes.



1920-construction des ponts. Bientôt cent ans!


Sur les murs du lock; des colonies d'éponges attrapent au passage des forts courants qui les sculptent les nutriments dont elles se nourrissent


Quelques planches arrachées (par des plongeurs???!!!) révèlent un espace sous le plancher ou se réfugient les crapets peureux et les chevaliers nettoyeurs



Une structure en cageux, près de la pente sud-est descendant vers la ''vieille rivière'', à près de 80 pieds, par endroits, maintenant la voie maritime


Les achigans toujours entreprenants et territoriaux!


Une toute petite barbotte, établie dans l'obscurité totale d'une chambre de transfert d'eau entre les deux écluses



...chambre abritant aussi une petite population de crevettes rouges-sang -Hémimysis Anomala-...la voyez-vous?!


Dans les pentes rocheuses, les bancs de dorés patrouillent.



Au sanctuaire d'oiseaux de Upper Canada et sur la pointe de Farran, les chevreuils côtoient les outardes et les dindons, profitant des derniers rayons chauds de la saison.

Petite anecdote concernant le village englouti de Farran's Point:
En septembre 1944, le 5 précisément, eut lieu dans la région de Cornwall un tremblement de terre assez violent. L'épicentre fut localisé sous le fleuve entre Massena aux USA et Farran's Point en Ontario, en se basant entre autre sur des observations et photographies des monuments de cimetière des deux localités. Les stèles funéraires américaines avaient été tournées par les secousses dans le sens des aiguilles d'une montre. Celles de Farran's Point, dans le sens contraire!

lundi 11 octobre 2010

BOB ET LE LOCK 24

Bob a toujours aimé pêcher.
Même pas la vraie grande pêche au gros en bateau avec plein d'équipement et des sonars et les derniers leurres hots; juste la petite pêche à la perchaude, assis au bord sur une chaudière renversée, la canne de vers dans l'herbe, à fumer une bonne Player's...
En fait, ce que Bob aimait vraiment le plus; c'était de ''monter des murs''. Bob était mason. Et maintenant deux de ses trois fils perpétuent la tradition et ont l'amour de la pierre. Et il en est bien fier...
Bob n'a que 54 ans.
S'il est ici aujourd'hui comme presqu'à chaque jour ou il ne pleut pas, à taquiner le poisson et fumer plutôt que de travailler avec ses fils, c'est qu'il n'en a plus beaucoup la force, et que la chimiothérapie lui en a enlèvée encore du peu qui lui restait.
Bob a le cancer.
Il a vécu toute sa jeune vie ici, et a entendu parler de cette écluse engloutie juste à côté, quelques centaines de pieds au large pres de la pointe ou se mêlent au fleuve les eaux du ruisseau Flagg.
Mais il n'a jamais vu de plongeurs venir l'explorer, avant Nick et moi aujourd'hui.
Pourtant, le lock 24 est connu des plongeurs locaux, qui l'ont depuis longtemps nettoyé des bouteilles de whisky du début du siècle passé qui en jonchaient le long plancher de bois.
Nick a pu discuter longuement ce matin avec le pêcheur, avant que je puisse le rejoindre.

Au début de nos recherches pour situer la vieille écluse, après consultation des cartes géographiques d'époque, nous avions nommé cette pointe en amont du ruisseau Flagg au bout du chemin du même nom qui embranche sur la 2 à l'ouest de Morrisburg, la ''Fisherman's Point'', puisque Bob y était à chaque fois.
Nous la nommerons maintenant la Pointe à Bob.
 

Elle est au point jaune en bas à gauche. L'écluse est marquée par la ligne rouge, et le parc Loyalist où doit se faire la sortie de la plongée au point bleu. Les terrains entre Flagg's Bay et le parc sont privés et ne permettent pas de sortie. Au coin supérieur droit de la carte: Morrisburg. Si vous rejoignez à la nage en surface le début du lock et que vous y commencez votre immersion, vous devriez pouvoir atteindre en dérive le parc au bout de 45 minutes, si vous ne vous attardez pas outre mesure en chemin. La dérive est donc amplement possible avec un cylindre de 80 pieds cube, si votre consommation est raisonable. L'écluse est à une trentaine de pieds de profondeur.

Mais aujourd'hui il n'y a pas que l'écluse qui nous intéresse... Si le chemin Lakeshore Drive enjambe le ruisseau Flagg en 2010, il fallait bien que la vieille route 2 qui longeait à l'époque le fleuve avant l'inondation de 1958 le fasse aussi. Nous voulons donc commencer la plongée plus en amont, trouver l'ancienne 2 engloutie, la suivre vers l'aval jusqu'à ce que l'on voit de chaque côté le sol descendre vers le lit original du ruisseau, et trouver ainsi le pont qui devait inévitablement y être situé.

Et il y est!


C'est pas le Golden Gate peut-être; mais le charmant petit pont est aussi accompagné de l'agréable sensation que procure le fait de pouvoir vérifier sur le terrain ce qu'on peut déduire des vieilles cartes d'époque!



Les conditions actuelles de visibilité ne permettent pas de prises de vues éloignées ou très claires. Dommage; le pont est tres beau et très bien conservé. Peut-être plus tard en saison, ou au printemps très tôt...








Sous le limon et les sédiments accumulés, nous trouvons l'inscription gravée dans le béton ''ontario provincial highways'' ...et la date de construction du pont! 1927! Quatre-vingt trois ans plus tard...

Nous continuons la dérive en aval et parvenons bientôt à hauteur de l'endroit ou nous croyons trouver le début de l'écluse. Elle est bien là, une trentaine de pieds sous la surface pas bien loin au large de la route.
Et si elle a subi, au temps de l'élargissement de la voie maritime qui passe tout près ici, la destruction de son mur sud, le reste est relativement en bon état, et montre une technique de construction de mur de bois qu'il est impossible de voir ailleurs. Tout-à-fait magnifique!









De gros blocs de pierre, vestiges de la destruction partielle de l'écluse, traînent ici et là, offrant refuge à quantités de chevaliers, achigans, crapets, alors que rôdent autour les ''grands''; maskinongés, carpes immenses et bancs de gros dorés.






Chaque poisson que nous croisons nous fait penser à Bob et ses perchaudes. J'aimerais bien qu'il puisse nous accompagner et les voir. Et je me trouve bien chanceux, malgré que ce soit aujourd'hui ma première plongée depuis un long mois d'otite, de pouvoir les saluer et partager avec eux l'indescriptible plaisir de voler en apesanteur dans le monde du silence.
Et je me répète encore une fois cette pensée que nous oublions si facilement: il faut vivre là, maintenant, intensément, comme si çà allait finir demain.
Parce que oui; çà finit très vite.
Bob le sait.
Mes hommages, monsieur.