dimanche 27 novembre 2016

2016: DE L'IMMENSE AU TOUT PETIT... ET LE TEMPS



Elle n'est pas finie, je sais, et je replongerai certainement d'ici janvier.
Mais aujourd'hui, ce matin, le café goûte la nostalgie.
J'ai donc l'envie de revoir un peu de quoi a été faite 2016, sous l'eau...

Commencée de glorieuse façon à Cozumel, pour une semaine de bleu avec ma chum Vicky, qui y aura vécu la plus marquante page de sa vie de plongeuse, elle a été suivie immédiatement par une semaine de noir, dans la Caverne de Jade, avec mon ami German.

Fabuleux...

Et j'ai eu l'occasion et le plaisir de raconter cette aventure dans la revue DIVER.









Encore un peu de patience Vicky: on y retournera bientôt!...







 



















Mellow yellow!
(Yo Tom: when do we go back to that cool bar?!!!)






Les habitants de Jade Cave,



















Ah!...et Hell's Bells aussi! Depuis le temps que j'en rêvais!




Puis, retour aux lacs...froids!
Quelques projets de video avec Richard...






















Et de nouveaux potes plongeurs: Anne et Sylvain, et Capitaine Dave









Ça été aussi, après l'immensité de Chempita, la caverne de jade, l'été du tout petit...Cristatelles, hydres, éponges, biofilms, qu'Anne et Sylvain m'ont fait voir sous le microscope.

Fascinant...




Un été sérieux. On est pas là pour s'amuser, bordel.




L'été des ancres aussi.












Et de certaines bouteilles crève-coeur...Continue, Jack! Tu vas finir par trouver la totale!




Retour sur le tout petit...








Sylvain Miller, guide dans le micro-monde.




Plusieurs plongées aussi sur ma falaise préférée et ses trésors géologiques.





Richard et Gringo, absorbant quelques calories qu'ils reperdront vitesse grand V sous la thermocline...!


Alors voila...Reste un mois à l'année. Quelques plongées encore, mais, avouons-le, malgré les belles visibilités des eaux froides, c'est pas la joie tout le temps comme jouer dans l'eau du mois d'août!

Pas de trouvailles extraordinaires cette année. Pas de trésors.
Mais on s'en fout.



Plus le temps passe, plus c'est le privilège d'en être témoin que je trouve précieux...







jeudi 6 octobre 2016

JE SUIS...





Je suis plus ancien que les racines de vos mémoires
Aussi jeune et impétueux
Que les ruisseaux gonflés de tempêtes
Je suis le staccato léger de la pluie
Le gong puissant des orages

Car voyez-vous
Je ne suis pas que cette image que je vous renvoie
Le simple reflet de votre monde à l’envers
Aussi coloré soit-il
À vous de réfléchir si vous le pouvez aussi
Je suis la nuit sous le miroir
L’apex des rayons de vos jours

Je suis cette profondeur que vous craignez tant

Et je suis plus encore
Je suis toutes ces eaux
Claires et noires
Chaudes et glaciales
Oui

Mais je suis aussi la pierre tout en bas
Le roc qui les contient
Comme le corps appartient au même désir
Que la main qui le frôle

Vous n’étiez rien encore
Lorsque cette pierre fut forgée
Née des feux violents
Des colères et de la douleur d’un monde naissant
Dans le chaos et la confusion des dieux guerroyant

Elle fut torturée
Façonnée
Détruite
Éructée
Avalée 
Mille fois recommencée

Puis enterrée vivante
Oubliée
Foulée

Elle a voyagé des milliers de milliers d’années
Étalée parfois
Souvent repliée sur elle-même
Introspective après l’extraversion
Elle a eu tant de temps pour se repenser
Pour trouver sa nature

Et maintes fois elle a resurgi
Se relevant du sommeil intérieur
Se souvenant du rêve des dérives
Elle a brûlé encore sous un soleil jeune
Puis gelé sous le passage noir des hivers millénaires

Je suis aussi les iles qui me ponctuent
Il faut bien que la pierre respire
Les iles sont des nageurs la nuit
Sous la voûte constellée
Comme chacune de ces étoiles est une ile aussi
Dans l’océan d’intention que vous croyez sans limites

Les êtres qui m’habitent me croient infini
Poissons hydres et zoïdes
Algues et fleurs d’eau
Ils adorent autant que vous l’immortalité

Vous me faites rire et pleurer
Vous qui cherchez à voir du temps
Le seul aspect qui ne puisse être vu

Vous courrez aveugles et sourds
Fébriles comme les petits de mes enfants
Poursuivis de vos ombres
Comme des réponses qui fuient la question

Venez à moi
Venez en moi
Mes silences sont des musiques apaisantes
Si vous noyez vos épouvantes

Je me souviens mieux que vous de vos passés
Récents et lointains
Je vous ai vu naitre et mourir
Souffrir et jouir
De vos mariages comme de vos guerres
J’ai été témoin

Je suis le sang de votre sang
Les larmes de vos larmes
Je suis bien plus que vous ne l’imaginez
Plus près de vous que vous ne l’avez jamais soupçonné

Arrêtez-vous ralentissez
Plongez

Souvenez-vous des volcans et des dérives
Immergés sous les iles nageuses
Souvenez-vous du chant des comètes
Libres et heureuses dans le rêve de velours
Dansant entre les galaxies
Mères porteuses de hasards

Vous êtes fils du roc et de l’eau
Frères de lumière et de feu

Vous êtes des embryons dans mes eaux 
Et vous rêvez encore

Je ne suis pas qu’un lac
Je suis à l’océan ce que vous êtes à vous-même


mardi 20 septembre 2016

Dancing in the dark




Nous longeons le pied de la falaise de marbre, gagnant en profondeur et en obscurité à chaque coup de palme.
Richard a oublié ses spots pour la grosse caméra, alors je transporte un système d'éclairage indépendant et il me suit trois quarts arrière en filmant.

Nous voulons d'autres images des formations de calcaire spectaculaires à cet endroit.

Le bas du mur de roc ressemble à des draperies figées.
Je cherche un petit groupe d'inclusions verticales, comme des stalagmites, que nous avions repéré lors d'une visite précédente.
Il est beaucoup plus loin, mais je me rappelle mal, pour le moment...

Sous la thermocline et son nuage jaunâtre, nous payons une meilleure visibilité au prix du froid.

Les spots au bout de leurs supports me donnent une allure d'insecte, et diffusent une lumière poudreuse jusqu'à un peu plus de deux mètres devant moi. Au-delà, c'est la nuit.

Il me semble tout-à-coup avoir vu une tache claire bouger, à la périphérie. Je n'en suis pas sûr. Un touladi? Mais la fraye est encore loin, l,eau trop chaude, et hors du leur période de reproduction, on ne les voit presque jamais. Les grandes truites grises des profondeurs sont solitaires et peureuses.

Un autre coup de palme, et une ombre se dessine sur le mur à gauche.
L'ouverture d'une autre de ces petites cavernes fréquentes sur la falaise.
Je m'en approche. Je ne me souviens pas l'avoir remarquée avant.

Elle est profonde d'environ deux mètres, en forme d'ogive, et les coups de gouge sur les parois internes témoignent d'une ancienne activité de courant, comme pour les autres ici.
Sur le plancher gisent de petites inclusions que la dissolution du marbre au fil des millénaires a libérée.
Et au fond, au plafond, curieusement, l'ouverture d'une cheminée.

Et j'ai le souffle coupé.

À la verticale, la tête en haut, à demi engagés dans la cheminée, 5 ou 6 touladis tournoient sur eux-mêmes et s'agitent, indifférents à notre présence!

Les grands poissons se livrent à une danse curieuse comme des derviches tourneurs, leurs corps projetant des éclairs argentés sous mes projecteurs, debout, leurs regards cachés dans le marbre tournés vers la pleine lune au-dessus!
Un rituel étrange, une danse magique au fond d'une caverne creusée dans un roc vieux d'un milliard d'années...
Un spectacle saisissant de beauté.

J'ai déjà vu les truites sur leur site de frai dans de très faibles profondeurs, imperturbables, choisir méticuleusement l'endroit parfait pour pondre, suivies des jeunes mâles impatients.
Mais jamais ce comportement, encore moins dans un décor aussi fantastique.
Y a-t-il réellement des danses nuptiales chez les touladis? Aussi longtemps avant le frai? Et de préférence dans ce genre d'endroit pourtant assez rare?

Nous les observons un certain temps. Puis, toujours indifférentes a notre présence, les truites quittent leur cachette une à une, nous laissant pantois, sans mots...

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...et sans images!!!

Je croyais que la caméra de Richard avait tout enregistré. Mais il n'était pas assez près des poissons.
Et la petite GoPro fixée entre les deux longues antennes de mes lampes n'était pas en fonction!

J'aurais tellement voulu enregistrer ce moment...

J'y suis retourné quelques jours plus tard. Était-ce un hasard, une magie inexplicable et momentanée?
Ou s'agissait-il vraiment d'un comportement nuptial susceptible de s'étendre sur une certaine période?
Si je les revoyais, on pourrait l'envisager...

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Il y en avait une! Une seule petite truite, nageant dans la caverne. Encore insouciante de ma présence.

Juste une. Mais c'est assez pour rayer le hasard.
Quelque chose se passe là, qui mérite d'essayer de le comprendre, de le documenter si possible.

La courte vidéo ci-dessus est de mauvaise qualité! C'est tout ce qu'il était possible de faire cette fois.
Mais nous y retournerons j'espère, aussitôt que possible, avec ce qu'il faut d'équipement!

Silver dancers in an eternal night, under the harvest moon............


samedi 5 mars 2016

LES CLOCHES DE L'ENFER





Non, pas des cloches comme ça...
Celle-ci, très belle, provient du La Esmeralda, et peut être admirée au musée de San Miguel à Cozumel.

Non, les Cloches de l'Enfer sont d'un autre type.
Les cloches du cenote Zapote, mieux connu sous le nom de Hell's Bells, sont des formations de type stalactite, mais d'une forme unique à ce cenote et deux autres voisins, au nord de Puerto Morelos, sur le continent.

On ne les trouve que là, nulle part ailleurs au monde.

J'ai failli les voir il y a quelques années, mais une otite sévère à la dernière minute m'avait empêchée de pouvoir cocher cet important item sur mon Bucket List.

Pas cette fois!
Après une semaine de plongée en mer avec Vicky, et une autre dans la grotte de Chempita avec German, il me reste une journée avant le retour forcé vers l'hiver.
Et le plan est prévu d'avance!

Avant l'aube, je suis au traversier. Il fait un vent du Nord depuis trois jours, personne ne sort à la marina. Mais les grands bateaux passeurs traversent.



Quand je quitte l'île finalement, le soleil se prépare à se lever derrière les nuages gris. La plupart des passagers du ferry le sont aussi, gris!...Puis d'une jolie teinte de vert, alors que nous parvenons au large et que le navire est la proie de vagues immenses.

Je suis peu sujet au mal de mer. Mais j'avoue que cette fois-là, j'ai évité de lâcher du regard la ligne d'horizon! Je sentais que les choses étaient fragiles!



Environ 45 minutes, et je marche avec mon matos vers le point de rencontre avec mon guide, Peio, envoyé par les bons soins d'Aude Bastiani de chez 02 Mexico.

Il me retrouve, même si je me suis un peu gouré d'endroit...
L'homme est super sympathique, doué d'humour, hispano-français avec l'accent du sud.
Nous nous entendons super bien tout-de-suite, et les plongées fascinantes qui nous attendent seront assaisonnées d'histoires hilarantes.





Le site des cenotes est assez en retrait. Faut savoir...Mais autour d'une heure de trajet et nous y arrivons.
Je m'attendais à ce que l'endroit soit un peu...rustique. Mais à ma grande surprise, Zapote ne l'est pas du tout! (Bon, les autres, c'est une autre histoire!)





L'entrée au cenote relève pratiquement de l'art de l'aménagement paysager!

Un groupe de plongeurs remonte des profondeurs et se prépare à sortir. Nous leur laissons le temps et la place. Ils ont un fort accent que je n'identifie pas vraiment. Péio me dit qu'ils sont russes, et entreprend de me raconter hilare une histoire avec des clients russes qu'il avait guidés, en imitant l'accent à la perfection.
Un de ceux-ci avait dû remonter d'une plongée après à peine 20 minutes.
-Did you like the dive?, avait demandé Péio.
-Shiiit!, répond le russe, avec un accent à couper à la tronçonneuse.
-I wanna go deeep, ajoute-t-il.
-But you have to breathe more slowly, suggère Péio diplomatiquement. If you want to go deeper, you   must breathe more delicately.
-I britte arrde.
-But you take too much air and...
-I britte arde. I like britte arde.

Fallait y être, peut-être! Mais je me bidonne encore à m'en rappeler!

Nos amis du Nord repartent, et nous nous préparons.
Je n'arrive pas à croire que je vais enfin voir Hell's Bells...






Je ne suis pas déçu.
L'endroit est à couper le souffle, si j'ose dire...

Autour de 100 pieds environ, tout le tour de la grotte après la restriction centrale (c'est en fait une doline en forme de sablier), les stalactites étranges en forme de cloches s'entassent et poussent même les unes sur les autres.



À l'intérieur des cloches, des micro-formations cristallines...










...et elles sont couvertes d'une texture aux allures organiques, qui rappelle un peu celle des pachydermes. Certains voient d'ailleurs dans ces formations des pieds d'éléphants plutôt que des cloches...




Certaines sont fermées, mais la plupart ouvertes derrière.









Il y en a de suffisamment grosses pour cacher un plongeur. Et ailleurs, comme ici, les parois sont couvertes de toutes petites stalactites...Une pouponnière de cloches...














Certaines se divisent...




...d'autres se multiplient en longueur!




Et le plus fascinant dans tout ça: personne ne sait encore comment elles se sont formées!
Elles sont pour les géologues en grande partie un mystère...
Leur formation et le fait qu'elles ne se retrouvent qu'ici sur toute la planète sont sans doute liés...






Au centre exactement, à environ 120 pieds, un arbre émerge d'un dense nuage de sulfure d'hydrogène.
Dessous, la grotte se continue jusqu'à environ 145 pieds.

C'est là que fut trouvé un squelette humain qui reposait depuis la préhistoire.





La restriction formant le sablier, à mi-chemin du puits.



Péio remonte.
Beaucoup trop tôt, la plongée s'achève. J'y serais resté des heures...

À la surface, Péio me demande comment j'ai trouvé. Je luis dis ma fascination, combien j'ai adoré, comme je me doutais bien que ce serait. Un détail cependant, lui dis-je: je croyais que c'était plus vaste, en bas...

Ce à quoi il me répond, avec son humour:
-Ouais ben, c'est sûr que sans la musique grandiose...!

Mes confrères plongeurs avides de vidéos de plongée spéléo sur YouTube comprendront!!!!!

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Intervalle de surface, puisqu'il le faut...Agrémenté d'un sandwich au poulet assaisonné juste ce qu'il faut de chipotle. Merci Aude!
Nous nous déplaçons ensuite sur une très courte distance vers le cenote Kin Ha.
Avec arrêt aux toilettes, remarquablement bien aménagées pour un endroit en pleine jungle!




Mais justement..........c'est toujours la jungle!




Kin Ha ne porte pas bien son nom. Si Kin en maya veut dire soleil, ou chaleur du soleil, ou jour, on est en droit de se questionner!

L'entrée du cenote est un trou dans le calcaire du plancher de la jungle.







Et quelques marches de bois rudimentaires achèvent la descente vers une eau couverte de débris végétaux et de...guano, encore!

Mais bien sûr, sous la soupe opaque, l'eau est cristalline.





Mais l'endroit est étrange...Le roc est comme sale, verdi, bruni...Et ça et là poussent sur le calcaire des mousses douteuses.

Il y a malheureusement beaucoup de chances pour que les experts ne se trompent pas quand ils suggèrent aux plongeurs de visiter l’infra-monde mexicain le plus vite possible, s'ils veulent le voir propre, avant que le développement immobilier excessif et non contrôlé vienne à bout de l'écologie des cenotes...




Ici aussi, et dans une troisième grotte que nous ne verrons pas cette fois, des formations de cloches.
Mais différentes un peu. Moins finement ciselées, moins délicates...









Et un peu de vie. Des écrevisses cavernicoles, des poissons-chats...




Et ce grand mur absolument fantastique de formation botryoïdes, grappes de raisin soudées.
À lui seul, il valait la visite!

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Je suis de retour à Playa Del Carmen en fin d'après-midi. Je me paye quelques petits cigares mexicains et une cerveza, assis dans les marches d'un éfifice de 5th Avenue, en attendant le traversier qui me ramènera à Coz.

Plein de gens passent devant moi, touristes de partout, affairés, les bras chargés de sacs et de paquets au sortir des boutiques.
Il y a du bruit, de la musique, du mouvement, de la fébrilité.
Mais aussi beaucoup de superficialité...

Je n'ai même pas à fermer les yeux; à travers les volutes de fumée de mon cigare, je revois les Cloches De L'Enfer dans leur monde silencieux, inviolées et inchangées depuis des millénaires.

Le contraste est si grand, si estomaquant...

Mais je n'ai pas envie de juger, de chercher une morale...

Juste envie de savourer ma chance d'avoir pu un moment me soustraire au grand cirque humain pour plonger dans la mémoire de la Terre.




Et de retour sur l'île: double dose!

C'est le Carnaval de Cozumel!