jeudi 6 octobre 2016

JE SUIS...





Je suis plus ancien que les racines de vos mémoires
Aussi jeune et impétueux
Que les ruisseaux gonflés de tempêtes
Je suis le staccato léger de la pluie
Le gong puissant des orages

Car voyez-vous
Je ne suis pas que cette image que je vous renvoie
Le simple reflet de votre monde à l’envers
Aussi coloré soit-il
À vous de réfléchir si vous le pouvez aussi
Je suis la nuit sous le miroir
L’apex des rayons de vos jours

Je suis cette profondeur que vous craignez tant

Et je suis plus encore
Je suis toutes ces eaux
Claires et noires
Chaudes et glaciales
Oui

Mais je suis aussi la pierre tout en bas
Le roc qui les contient
Comme le corps appartient au même désir
Que la main qui le frôle

Vous n’étiez rien encore
Lorsque cette pierre fut forgée
Née des feux violents
Des colères et de la douleur d’un monde naissant
Dans le chaos et la confusion des dieux guerroyant

Elle fut torturée
Façonnée
Détruite
Éructée
Avalée 
Mille fois recommencée

Puis enterrée vivante
Oubliée
Foulée

Elle a voyagé des milliers de milliers d’années
Étalée parfois
Souvent repliée sur elle-même
Introspective après l’extraversion
Elle a eu tant de temps pour se repenser
Pour trouver sa nature

Et maintes fois elle a resurgi
Se relevant du sommeil intérieur
Se souvenant du rêve des dérives
Elle a brûlé encore sous un soleil jeune
Puis gelé sous le passage noir des hivers millénaires

Je suis aussi les iles qui me ponctuent
Il faut bien que la pierre respire
Les iles sont des nageurs la nuit
Sous la voûte constellée
Comme chacune de ces étoiles est une ile aussi
Dans l’océan d’intention que vous croyez sans limites

Les êtres qui m’habitent me croient infini
Poissons hydres et zoïdes
Algues et fleurs d’eau
Ils adorent autant que vous l’immortalité

Vous me faites rire et pleurer
Vous qui cherchez à voir du temps
Le seul aspect qui ne puisse être vu

Vous courrez aveugles et sourds
Fébriles comme les petits de mes enfants
Poursuivis de vos ombres
Comme des réponses qui fuient la question

Venez à moi
Venez en moi
Mes silences sont des musiques apaisantes
Si vous noyez vos épouvantes

Je me souviens mieux que vous de vos passés
Récents et lointains
Je vous ai vu naitre et mourir
Souffrir et jouir
De vos mariages comme de vos guerres
J’ai été témoin

Je suis le sang de votre sang
Les larmes de vos larmes
Je suis bien plus que vous ne l’imaginez
Plus près de vous que vous ne l’avez jamais soupçonné

Arrêtez-vous ralentissez
Plongez

Souvenez-vous des volcans et des dérives
Immergés sous les iles nageuses
Souvenez-vous du chant des comètes
Libres et heureuses dans le rêve de velours
Dansant entre les galaxies
Mères porteuses de hasards

Vous êtes fils du roc et de l’eau
Frères de lumière et de feu

Vous êtes des embryons dans mes eaux 
Et vous rêvez encore

Je ne suis pas qu’un lac
Je suis à l’océan ce que vous êtes à vous-même


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