Leurs poutres entrecroisées tentent d'exorciser les esprits qui dérivent sur les courants des grands fonds.
Et les hublots érodés sont des bénitiers de lumière où les fantômes trempent leurs doigts décharnés dans l'espoir vain de revivre un jour un passé qu'ils ont presque oublié...
Un peu de vie s'y cache, brave, cherchant sous les jupes des revenants refuge contre les méchants, comme les hommes qui espèrent trouver dans leurs souvenirs la clé d'éternels avenirs.
Inutile pourtant de chercher derrière ce qui se trouve devant...
Comme de demander son chemin à son ombre...
Il y a des croix partout dans les épaves, même si elles connaissent maintenant le vrai visage de dieu.
Les épaves sont des églises, des temples remplis de croix abandonnées, d'anciens testaments aux convictions passées.
Les épaves sont des prières qu'on entend plus, des monuments à l'oubli. Et un jour, même les quais qui les recevaient du temps de leurs voyages et des voiles claquantes, du temps d'avant le long silence glauque, même ces quais sombrent et passent de l'autre côté.
Et portent également leur croix.
Et tentent dans la folle jeunesse de leur mort, quand la mémoire traîne encore dans les appartements vidés de leurs esprits, de protester allignés comme des travailleurs indignés contre le décret injuste de leur finalité...
Personne n'accepte la finalité. Toute vie n'est que protestation devant la fatalité.
La conscience est une lame.
La conscience est une lame de fond.
La conscience est le juge et le bourreau, le sauveur et la faucheuse.
Ce que nous en faisons, puisqu'elle est fille de mémoire...
Et alors les épaves comme les hommes, à court d'espoir, se rassemblent et inventent Dieu et l'implorent et le prient.
Elles le placent bien haut parmi elles, tout contre le ciel, inatteignable pour être sûres de n'être jamais décues, et elles prient et crucifient leur vie.
Les épaves sont remplies de croix, de fantômes, d'échos d'espoirs et de prières.
Mais au fond de leurs cales putréfiées, déposée dans leurs cages thoraciques sans qu'elles ne s'en rendent trop compte, la vie comme une prière exaucée prend forme à nouveau...
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Juste pour le fun:
En grec le mot "poisson" s'écrit : IXΘYΣ, ou ichthus, acronyme constitué des premières lettres de Iêsous Christos Theou Uios Sôtêr, c’est-à-dire Jésus Christ,de Dieu le Fils Sauveur.
Le poisson fut longtemps un symbole du Christ, et fut remplacé plus tard par la croix, symbole, elle, de potence. Le mot ''croix'' en latin désigne des instruments de supplice et de mort.
Les photos ont été prises sur le Robert Gaskin et aux Old Docks de Prescott, Ontario.
1 commentaire:
Les mots me manquent encore une fois...
Quel magnifique récit !
Plongée, prière, poésie...
Photos éloquentes.
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