
Encore le rhume un peu, 6 degrés dehors et un jour sombre et gris, mais j'pouvais pas m'en empêcher...Juste deux petites dernières plongées, avant d'oublier le fleuve jusqu'en avril.
Sly est grippé, il ne pourra pas demain c'est sur. Aqualung est disponible aujourd'hui seulement.
J'embarque le stock dans l'auto, lances quelques pommes aux chevreuils impatients dehors, et je roule vers l'Écluse 21, à Long Sault.

Sur place; un des grands saules a perdu son été et m'apparait comme un vieillard décharné cherchant en vain à se protéger du nordet...
Fait froid, mais pour la première, çà va encore de se foutre à poil! On enfile au moins un wetsuit sec! Une fois à l'eau et le premier filet dans le dos passé, çà va toujours. 48 degrésF...
Nick, en dry, se sent comme Supermec.
Je voulais le plus vite possible en me hissant par les cordes qui les réunissent me rendre en amont du premier des cageux géants eux-mêmes en amont des portes d'écluse, à 60 pieds de profondeur, pour pouvoir de là nous laisser dériver vers le lock.
En chemin, nous survolons ce puits creusé dans le mur principal, avec une échelle de bois descendant dans le noir.
Trop étroit pour y descendre avec un cylindre...Je voudrais bien voir ce qu'il y a au fond...
Vraiment, on trouve n'importe quoi dans l'eau! Je me demande d'ailleurs comment il se fait qu'elle aie coulé.
En la lançant "en l'air", je vois qu'elle est presque neutre, à peine négative de flottabilité. Elle reste entre deux eaux de longues minutes, image surréaliste...
Près de là, quelqu'un a placé une...poubelle! Un gros tonneau de métal dans lequel, probablement pour donner le ton, il a placé quelques bouteilles et une boite de tôle.
Je trouves l'idée géniale. Juste pour le plaisir de mimiquer des gestes qu'ils ne feraient peut-etre pas toujours sur la terre ferme, je suis sur que les plongeurs qui visiteront l'endroit la rempliront!

Et quelques minutes plus tard, on commence la "drift". Je sais que le courant nous ramènera vers l'écluse, et nous dérivons en apesanteur dans un paysage fascinant de dunes de sable parsemées çà et là d'un rocher couvert de moules.
Quelque chose est différent, et je mets quelques minutes à réaliser...
Il n'y a aucun son..........
Je sais bien; on est au fond de l'eau et y'en a pas de bruit! Mais là c'est différent.
D'habitude, même si c'est "silencieux", c'est comme si on pouvait percevoir la vie autour de soi par le ventre...Comme des ondes, des mouvements dans l'eau, vraiment comme du bruit qu'on entendrait autrement qu'avec les oreilles.
Mais là; rien. Presque rien.




...et je me dis alors que même ici, ou je croyais que l'hiver ne pouvait pas tout geler, il étend lentement son pouvoir.
Tout, tranquillement, s'endort...

Les poissons sont rares. Je croise un très gros doré couché littéralement sur le fond, qui ne finit par s'éloigner lentement que lorsque je le touche presque.

Et même arrivés au pied de l'écluse, là ou normalement des escadrons d'achigans se reposent du courant, je n'en trouves que deux ou trois, épars, comateux, comme hypnotisés, en transe...
Quand finalement je sors de l'eau, je pousse quelques familles d'outardes. Je frissones sous le vent froid qui ne les dérange pas, elles.

Les poissons sont rares. Je croise un très gros doré couché littéralement sur le fond, qui ne finit par s'éloigner lentement que lorsque je le touche presque.

Et même arrivés au pied de l'écluse, là ou normalement des escadrons d'achigans se reposent du courant, je n'en trouves que deux ou trois, épars, comateux, comme hypnotisés, en transe...
Et dans ce silence la lumière baisse encore durant la deuxième plongée.
Dehors, les flocons et les grosses gouttes se disputent un ciel d'étain.
Je regarde partout autour, j'essaies de fixer dans le présent des images et des sensations mais je sais que le présent et la conscience sont comme le fleuve; on ne les retient pas, et c'est bien ainsi sans doute...
À moins d'un été indien très vite, avant que l'eau "n'épaississe" davantage, comme disent les vieux chasseurs de canard du suroît, c'est ma dernière plongée cette année dans ce Saint-Laurent que j'ai appris à aimer comme on apprend à aimer n'importe qui: en n'en voyant pas que la surface...

Quand finalement je sors de l'eau, je pousse quelques familles d'outardes. Je frissones sous le vent froid qui ne les dérange pas, elles.
Et quand elles en auront assez, quand même elles devront quitter le fleuve aux grandes eaux, elles voleront au sud, au chaud.
Mmmmhhh......... Le Grand Bleu...
Je crois bien que je les suivrai.