mardi 31 août 2010

- Comment  çà mauvaise épave?!

Je regarde Ron les yeux ronds comme des bulles.

-C'était le Stormont que je voulais trouver, dit-il. J'ai melé mes épaves! Les deux ont coulé au même endroit, et je crois la même année. Celui qu'on a trouvé est le Chippewa, ou ce qui en reste. Le Stormont est beaucoup plus gros...250 pieds environ...

-Coudons! Combien y'en a des épaves dans l'coin?!, dis-je en rigolant.

-Plus de mille entre le lac Ontario et Montréal, probablement, répond Ron le plus sérieusement du monde, finissant sa phrase sur un mmmhh et les yeux ailleurs, au fond de son fleuve chéri quelque part... Je te montrerai, j'ai des listes qui traînent.

Ce qui me surprend autant qu'avril après mars. L'homme a passé sa vie a fouiller le St-Laurent, cinquante années a en parcourir les fonds en tous sens, a la recherche de ces livres d'histoires que sont les épaves et les artefacts que cachent les grandes eaux.

On est mercredi matin. Je me suis pointé a la boutique de Cornwall très tôt pour y faire emplir quelques cylindres et rejoindre Nick. Nous voulons essayer d'aller faire une trempette au Lock 23 avant de se rendre a Chrysler Park Marina pour les plongées d'exploration du mercredi avec les Seaway valley Divers.
Il ne tarde pas a arriver.
 Nous laissons Ron en discussion avec un des membres du club a propos de programmes d'ordinateur joints aux sonars et GPS et filons vers Morrisburg et son écluse engloutie.



Pas vraiment le temps de faire la longue dérive avant le départ a treize heures a la marina. Nous avons un peu plus d'une heure et choisissons de la passer aux fondations des Pumphouse et Powerhouse, nichées dans la riviere de valisnéries ondulantes que devient l'été le coteau sud du vieux canal noyé.
Les achigans et crapets de roche y sont toujours, comme de vieux habitués dans un bistrot de Provence.
Mais ils sont accompagnés cette fois de trois ou quatre des plus gros dorés que j'aie vu jusqu'ici dans le St-Laurent. Ils dépassent largement les dix livres, et l'un d'eux en fait probablement plus de quinze.





Pendant que Nick explore le sous-sol, ses bulles traversent la structure et surprennent un achigan.

Nous passons de longs moments a observer les habitants du voisinage et a dériver en silence dans les longs cheveux blonds des joncs d'aout. L'eau est toujours chaude, meme si elle a perdu un degré ou deux depuis une semaine...
Carpe diem! Seize the day!
La reine blanche s'agite déja au Nord...Et je suis pris de mélancolie a cette pensée, flottant entre deux eaux les yeux fermés vers le quai.
Mais nous n'y sommes pas encore!
Et nous nous changeons en vitesse pour filer vers le Little Diver et deux autres plongées sous le soleil un peu timide.

La recherche du Stormont commencera une autre semaine, finalement. Quelque chose dans la batterie d'instruments que Ron compte utiliser n'est pas pret. Il désire aussi consolider la bouée du Chippewa, et nous suggère une dérive vers le nord-est pendant ce temps.
N'importe où, que je me dis...A mille épaves; on tombera bien sur quelque chose tôt ou tard!
Les cinquantes premieres minutes nous voient survoler par une soixantaine de pieds de fond l'ancienne rivière. Mais encore cette fois; nous n'y voyons rien que quelques bouteilles.

Les vieilles bouteilles qui jonchent le fond du fleuve sont un peu les pointes de flèches des plongeurs archéologues amateurs! Pour peu qu'on s'en donne la peine, on peut en trouver d'assez intéressantes. Certaines pour leur âge, d'autres pour leurs formes inhabituelles, ou parce qu'elles sont des témoins d'une partie de notre histoire qui n'a pas l'âge des musées encore mais qui l'aura bientot. Cette bouteille de Pepsi des débuts soixante jettée par-dessus bord par un jeune homme coiffé a la James Dean, n'a rien d'une amphore grecque de mille et quelques années avant JC, mais elle est en un sens plus précieuse encore...Là où l'âge de l'amphore devient abstrait d'antiquité pour nos jeunes mémoires, le sien nous rappele les premiers chapitres d'une vie dont nous pressentons maintenant l'épilogue...

Le fond remonte en pente. Nous approchons la rive submergée du vieux canal. Quelques coups de palmes encore et nous arrivons pile sur les fondations de ce qui semble avoir été un immense cageux; grande boite de poutres empilées et croisées qu'on emplissait de pierres, servant de structure d'ancrage pour des quais ou des digues.
Celui-ci avait été fait pour durer, avec des poutres équarries grossierement de pres de trois pieds de côté, et jointées en queues d'arronde. Magnifique travail, comme il ne s'en fait plus. Mais les hommes ne s'inquiètent plus de ce qui dure...







Il est temps de remonter lentement.

Le soleil couchant entre dans les eaux assombries du soir par chaque petite contre-vague, offrant a deux plongeurs ébahis un spectacle fantastique.



Pas d'épave cette fois-ci.
Mais la magie du fleuve ne se limite pas a sa mémoire...


3 commentaires:

Nathalie C. a dit…

Enfin l'ordi rétabli!
On s'ennuyait de nos contes aquadéliques

Marina Kowalsky a dit…

Tout à fait Peekaboo!!!!
Chépas si c'est le fait que les bulles me manquent mais ce conte-là m'a pogné au coeur.....en tout cas...

Renata a dit…

Enfin ! D'la lecture !

Ahhh, que j'aime ces analogies..."comme des vieux habitués d'un bistro de Provence"... "La reine blanche s'agite déjà au nord".....

Bravo pour ta reconnection !
Quessé qu'on faisait donc, avant l'ère des ordi ???