jeudi 19 juillet 2012

AU FOND...


La plongée cette fois-ci se fera directement au millieu de la voie maritime, ou comme on dit en français, le seaway. Il faut un peu de sérieux. Un peu de préparation mentale, de visualisation.
Courant, profondeur, et à cet endroit; une bonne distance à parcourir pour sortir du chemin des grands cargos en faisant une déco sans références visuelles dans le bleu. Ou le vert, plutôt.

Nous cherchons une épave.

Pendant la préparation, un des grands océaniques passe, et nous savons que sous l'eau, il bat le tempo du bruit sourd de ses hélices et du martelage de ses pistons géants comme un blues tribal de John Lee Hooker.
''I'm driftin' and driftin', just like a ship out on the deep blue sea...''

Il passe, et c'est la descente...




Au fond, enfin, une relative bonne visibilité.

Comment décrire ce que je vois...Comment transmettre la beauté du fleuve dans ses entrailles...
Je prend quelques photos, puis j'éteins l'appareil.
Je sais bien qu'il est inadéquat.
Nous survolons des champs de monolithes géants, des vallées de pierres un peu plus petites, toutes couvertes d'éponges aux formes adaptées au grand courant qui balaye tout, des coulées de sable, des prairies nues, des tombants ombragés.

Peu de vie. Et pourtant je sens très bien le paysage respirer lentement, profondément.


Le fleuve vit à sa manière, depuis toujours, et nous ne sommes à cette échelle que des étoiles filantes, insignifiantes, même avec tout le pouvoir destructeur que nous avons.
Le fleuve coule.

Le fleuve coule.

Le fleuve égrène des heures vertes, vide et retourne son sablier inlassablement.

Nous dérivons au-dessus de ses paysages fantastiques pendant près d'une demie-heure, puis remontons un peu pour commencer le trajet vers le nord.
De temps à autres, il me semble revoir un peu le fond. Puis une ombre s'installe et je sais que nous survolons de profondes vallées...
Sans références dans un monde vert, je palme lentement, les yeux mi-clos, lisant mes instruments pour rester à la même altitude, pendant que mes tissus expirent un peu de la drogue des fonds...

Et je me rappele que nous cherchions une épave, qui devrait se trouver ici quelque part, selon les vieux.
Pas trouvée ce coup-ci.

Et je m'en fous...




''Cornwall Bottling Works''. Ce qui est embossé sur une bouteille qu'Aquadude a trouvée.
Il la vide en dérivant de la terre accumulée depuis des décennies couchée sur le fond.

Un peu de terre, comme de la poussière au vent dans l'air de l'eau...

 




Nous retournerons bientôt, dans ces parages. Chercher l'épave.
Et ce sera bien.
Ce sera beau.
Je serai à nouveau une brève étoile filante dans le ciel du fleuve, qu'il ne remarquera même pas, trop occupé à compter les siècles.
Mais c'est ok.

Moi, je me contenterai volontiers de l'écouter compter.




2 commentaires:

Anonyme a dit…

caline que tu me rend fou...
il faut absolument que j'essai ça la plongé
Louis

Henri Lessard a dit…

Très bon billet, texte et photos ! La séquence de la fin : géniale. Mais prenez garde, le génie de la bouteille ne sort jamais quand on maintient ainsi le goulot tête en bas. Question de dignité.